Histoire de l'Akita Inu - Partie 1 - Époque préhistorique et antique (-8000 à 1185)
On suppose que le chien est arrivé sur l'archipel japonais au cours de migrations humaines survenues il y a plus de 10 000 ans avant que l'actuelle Mer du Japon (Nihonkai - 日本海) ne sépare définitivement le Japon du reste du continent asiatique.

Au cours de l'ère Jōmon (縄文 - 8 000 à 300 av. J.-C.), les autochtones vivaient dans des habitations appelées tatehana (竪穴), des sortes de huttes sur terre battue et semi-enterrées sur 10 cm à 1 mètre de profondeur. Les traces de pattes retrouvées à l'intérieur de ces habitations laissent à penser que les chiens étaient déjà élevés par l'Homme, il y a de ça environ 3 000 ans. Ces traces mesurant entre 4,3 et 5,7 cm de long indiquent que les chiens étaient de taille moyenne. À cela s'ajoutent des ossements de chiens, très souvent retrouvés parmi les sépultures de l'époque.
Impossible de parler de l'Akita Inu sans faire un peu de géographie, car mine de rien elle influencera l'évolution de la race de bien des façons que ce soit physique ou génétique. Encore aujourd'hui, les lignées sont empreintes de cette notion et les mentalités d'élevage des régions du nord restent encore bien différentes des méthodes du centre ou du sud, par exemple.
Le Tōhoku (東北) signifie littéralement "nord-est" et couvre
tout le nord de l'île centrale de Honshū (本州) comme on peut
le voir en vert sur la carte ci-après.
Il est bordé par les régions du Chūbu (中部 - en orange)
et du Kantō (関東 - en bleu) au sud, et par
l'île d'Hokkaidō (北海道 - en rouge) au nord.
Le Tōhoku se divise en six départements,
ou préfectures, qui sont :
- Aomori,
- Iwate
- Miyagi
- Fukushima
- Yamagata
- Akita (point rouge sur la carte)
Le nom même d'Akita Inu (秋田犬) signifie "chien d'Akita".
Remarque : "Akita Inu" est la seule lecture officielle, ainsi "Akita Ken" est incorrect au sens propre et provient soit d'une confusion avec Akita Ken (秋田県 = préfecture d'Akita), soit d'une mauvaise lecture du kanji "chien" (犬) comme dans Nihon Ken (日本犬 = chiens japonais). De même qu'Akita est invariable puisqu'il provient d'un nom propre.

L'Akita Inu puise ses racines dans la ville d'Ōdate (大館), mais également dans la campagne environnante de la préfecture d'Akita comme en témoignent de nombreuses traces historiques. Depuis longtemps, le nom même d'Ōdate est associé au chien dans toute la région du Tōhoku. Au XIXe siècle (fin de l'ère Tokugawa), les chiens domestiques, dont le nombre avait considérablement augmenté grâce à une situation socio-économique favorable, ont été petit à petit utilisés à des fins de combat. Après la restauration Meiji en 1868, les combats de chiens étaient devenus de véritables évènements publiques et un grand nombre de chiens furent découverts à Ōdate, appelée pour lors la "ville des chiens".
Plusieurs noms furent attribués à la race au fil du temps. Ainsi, elle fut connue sous le nom de "Ōdate Inu" (大館犬) et de "Kazuno Inu" (鹿角犬) dans ces zones respectives, au nord de la province d'Akita. Mais elle fut également appelée "Nambu Inu"(南部犬) en référence à un district du nord ayant existé au début de notre ère (période Han en Chine). Pour l'anecdote, le dialecte Nambu-ben (南部弁) existe toujours aujourd'hui dans la région d'Aomori (青森) à l'extrême-nord du Japon. Quoi qu'il en soit, tout le monde s'accorde à dire qu'il s'agissait de "chiens régionaux". Parmi eux, il était possible de faire la distinction entre deux sortes de chiens en fonction leur "utilité".

Les chiens qui vivaient en ville étaient bien souvent utilisés pour le combat et portaient alors le nom de "Kuwae Inu" ou de "Kuriya Inu" selon le dialecte local.
Ceux qui vivaient dans les compagnes et les montagnes servaient plutôt à la chasse et étaient appelés "Matagi Inu". Dans les deux cas, ces chiens étaient plus ou moins les mêmes. Il s'agissait tous de chiens japonais, élevés dans ces régions très localisées depuis des siècles. Ces chiens sont tous les ancêtres de l'Akita Inu actuel.
De nombreux rapports d'études et de recherche furent publiés au sujet des origines et de l'histoire de l'Akita par d'anciens auteurs et chercheurs.

Le Dr. Toru Uchida conclut dans son ouvrage, "Le Livre des Chiens" que "le chien d'Akita se différencie morphologiquement des autres, y compris des chiens de Sakhaline (樺太 - Karafuto), des Laika, des Samoyèdes et même des autres races japonaises. Il ne serait pas incorrect de penser que ce chien ait suivi sa propre évolution plutôt que d'être le pur fruit d'une amélioration humaine."
Le Dr. Shozaburo Watase explique dans le volume 22 de la "Société Scientifique" que : "les chiens japonais se divisent en trois souches géographiques : l'extrême-nord, le centre-nord et le sud. Les races de la souche d'extrême-nord sont arrivées avec les humains et possèdent un poil épais, une force de caractère et une queue recourbée sur le dos. La plus représentative est l'Akita."
M. Hirokichi Saito, l'un des fondateurs du NIPPO et éminent chercheur sur les races japonaises, écrit dans son livre "Chiens Japonais et Loups" que : "L'Akita Inu descend d'une race japonaise de taille moyenne croisée avec un chien des souches du nord et un grand chien de Chine. Cette dite-souche comprendrait : les races éteintes du Nambu Inu de Rikuchu (actuelle préfecture d'Iwate (岩手県)), du Kōyasu Inu d'Uzen (actuelle préfecture de Yamagata (山形県)), du Iiyama Inu de Shinshu (actuelle préfecture de Nagano (長野県)) et le Gō de Chine qui était présent dans la zone du Dazaifu à Kyūshū (九州)."
M. Taiji Kitamura, un célèbre habitant d'Ōdate, exprime une opinion similaire. Dans sa publication pour la lettre d'information AKIHO, il dit : "le Gō ont été apportés du Bokkai (un pays qui s'étendait autrefois de la Corée du Nord jusqu'à la frontière est de la Chine) et croisés avec des races japonaises produisant ainsi les ancêtres de l'Akita Inu."

Les livres seuls ne sauraient décrire en totalité l'histoire de l'Akita. Par ailleurs, aucune trace écrite et rien dans la tradition orale parlant de cette race de chien n'ont été trouvés avant l'ère Tokugawa, contrairement à d'autres races japonaises dont les descriptions remontent jusqu'à l'époque de Nara (aux alentours de l'an 710). La première référence apparaît dans le "Keikō Tennō-ki (le 12e Thrône Impérial), suivi du "Kojiki" (古事記 - 712), du "Sushun Tennō-ki" et d'autres manuscrits contenant des articles sur les chiens. Certaines archives parlent de chiens qui auraient été apportés au Japon comme cadeau avec d'autres animaux et des produits venus de Kudara (un pays situé dans l'actuel Corée du Sud), du Bokkai et d'autres pays. Parmi les sources, nous pouvons citer le "Yōōki", le "Nihonshoki", le "Shokunihongi", le "Ruijῡkokushi", etc. Lors des ères Heian et Kamakura, des chiens sont dépeints dans le "Makuranosoushi", "Genji Monogatari", "Uji Shῡi Monogatari", "Konjaku Monogatari", "Tsurezuregusa", "Taiheiki", etc.


Les premières illustrations de chiens ont été retrouvés, datant du début de l'ère Kamakura (après 1192). De nombreuses images subsistent aujourd'hui, telles que le"Ōjō Yōshῡ E" et le "Gaki Sōshi", illustrant des doctrines bouddhistes appelées "Rokudō E" (image des 6 chemins) ou "Jikkai Zu" (représentation des 10 mondes). Dans la plupart des cas, la présence des chiens n'est que purement fortuite et secondaire au thème illustré.

Les chiens représentés sont souvent de couleur pinto. Deux rouleaux, "Kōbōdaishi Gyōjō Emaki" et "Yadajizō Engi Emaki", sont différents des autres dans le sens où les chiens sont le thème principal, sur fond de montagnes et de champs. Ce sont des chiens de chasse hauts en couleur, conduisant des chasseurs et des samouraïs équipés d'arcs et de flèches.

D'autres peintures de chiens apparaissent plus tard dans la littérature médiévale. "Sagami Nyῡdō Dengaku Narabini Touken wo Moteasobukoto" (Jeux avec un chien de combat) écrit par Takatoki Hōjō (北条 高時), dernier tokusō et shikken du shogunat de Kamakura, est un exemple caractéristique. Ce passage se trouve dans le volume 5 du "Taiheiki".
Le passage "Hata Rokurōzaemon ga Koto" du volume 22 du "Taiheiki" raconte comment Rokurōzaemon, son chien favori, un "Inu-Jishi" (ou chien-lion), et ses soldats ont attaqué et protégé le château de Takanosu à Kōzuke (actuelle préfecture de Gunma). Au cours de l'ère Nanbokuchō (南北朝), les chiens étaient surtout utilisés à des fins militaires.
Voilà qui résume la présence de chiens japonais dans la littérature ancestrale et médiévale.
On dit que le chien est le premier animal à avoir été domestiqué. Jadis, à une époque où la chasse faisait partie intégrante de la vie de tous les jours, les chiens étaient à la fois des partenaires de travail et des compagnons qui suivaient le déplacement des peuplades encore nomades. Les vestiges et les artefacts découverts à Akita indiquent que la chasse et la cueillette étaient un style de vie encore dominant pendant les périodes Jōmon et Yayoi (弥生 - 300 av. J.-C. à 400 ap. J.-C.).
Les premières cultures de riz remontent au IIIe siècle, mais les techniques agricoles modestes et l'environnement peu accueillant ne permettaient pas une productivité suffisante pour nourrir la population. Cette situation força donc les Hommes à rester dépendants de la chasse et de la pêche pour survivre. Et même si par la suite l'agriculture prit une part de plus en plus importante dans la vie de tous les jours autour d'Ōdate, la chasse resta ancrée dans les mœurs jusqu'à l'ère moderne Meiji (明治 - 1868 à 1912).


Certains individus vivant encore de la chasse créèrent des villages de chasseurs appelés villages de Matagi (マタギ). Ces villages répartis dans les préfectures d'Akita, d'Iwate et de Yamagata étaient pourtant réputés pour posséder les mêmes méthodes de chasses et les mêmes us et coutumes. Les Matagi Inu (chiens de chasse japonais) étaient élevés dans ces villages depuis le début de leur existence et jusqu'à récemment.
Comme l'Ōdate Inu, le Nambu Inu ou d'autres races locales, il n'existe aucune trace écrite ou orale à leur sujet. Nous ne pouvons qu'imaginer les conditions environnementales et sociales autour d'Ōdate à cette époque.
D'après les fudoki (風土記 - des rapports décrivant les coutumes, l'histoire et les notes géographiques des divers régions du Japon) et d'autres sources, la région du Tōhoku était séparée en deux sur 500 km par les montagnes d'Ōu ( 奥羽山脈 - Ōu-sanmyaku) ; la partie bordant la Mer du Japon et celle bordant le Pacifique. La zone d'Ōdate était donc séparée du reste de la région par les montagnes à l'est et par le climat au sud. L'accès par le sud aux moments les plus rudes de l'hiver était impossible ni par la mer ni par la terre, limitant ainsi le développement de cette zone. Ceci pourrait d'ailleurs expliquer partiellement les différences physiques et les types de l'Akita Inu actuel.
Les conditions sociales dans la région du Tōhoku à cette époque sont également intéressantes. Des clans très puissants émergèrent et s'affrontèrent perpétuellement. Aux alentours de l'an 500, la Cour Impériale de Yamamoto fut établie et devint un état souverain au VIIe siècle avant d'entreprendre son expansion vers le Tōhoku où elle tenta à plusieurs reprises d'assouvir les Emishi, des habitants des régions du nord qui refusaient de se plier aux lois de la cour impériale. Immédiatement après la Réforme de la période Teika en 645, la province de Mutsu fut établie au Tōhoku. Jusqu'à cette époque, c'était une zone qui n'était pas considérée comme étant sous l'influence de la Cour Impériale de Yamamoto. Un demi-siècle plus tard, la province de Dewa est créée. Cette province s'étendait à l'endroit où se trouvent les préfectures actuelles d'Akita et de Yamagata. Peu de temps après sa création, le large flux d'immigrants venus du Kantō et du Chūbu permit le développement de la région. Cette immigration et ce développement furent la source de conflits avec les patriarches et les clans puissants de la région, ainsi que d'une angoisse croissante. Cependant, étant donné leur esprit négatif et leur antagonisme envers le développement de la région, ils se révoltèrent à tel point que les efforts de développement furent grandement ralentis. De féroces batailles s'enchaînèrent entre la cour impériale et les propriétaires terriens locaux. On ne sait rien du développement et du type de chiens élevés dans cette région à cette époque. On devine toutefois que la fixation d'un certain type a pris part à ce moment. Dans son livre, M. Hirokichi Saito écrit : "les ossements de plus de 300 chiens déterrés à divers endroits du Japon nous indiquent qu'ils mesuraient entre 37 et 50 cm au garrot, contre 57 cm pour ceux trouvés à deux endroits du Tōhoku."
Au cours de l'époque Azuchi Momoyama (安土桃山 - 1573-1602), les marins et marchands portugais et espagnols visitèrent le Japon en apportant des chiens avec eux. Certains sont illustrés sur les estampes que l'on peut voir dans les musées entre autres.