Le syndrome uvéodermatologique

                Le syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada est une maladie humaine caractérisée par une panuvéite granulomateuse bilatérale associée à des symptômes nerveux, cutanés et auditifs.
                Une affection similaire a été observée pour la première fois en 1977 chez deux Akita Inu présentant une uvéite bilatérale, associée à une dépigmentation de la face. Depuis, de nombreux autres cas ont été décrits.
                Dans la littérature, cette affection porte différentes dénominations : syndrome uvéodermatologique, syndrome oculo-cutané, syndrome uvéo-cutané, pseudo syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada ou, encore syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada-like car la symptomatologie ne se superpose qu’incomplètement à celle de l’homme. En effet, les manifestations nerveuses et auditives sont exceptionnellement décrites chez le chien.
                Le syndrome uvéodermatologique canin est donc une maladie rare similaire au syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada, qui se caractérise par une uvéite antérieure, ou une panuvéite, granulomateuse bilatérale, associée à une dépigmentation cutanée et pilaire.
                Comme chez l’homme, les causes exactes de la maladie ne sont pas identifiées mais un mécanisme auto-immun, associé à une prédisposition génétique, est suspecté.

 

Historique :
               La maladie a été mise en évidence, pour la première fois, chez le chien, en 1977, sur deux jeunes Akita de 19 et 20 mois par Asakura, Takashashi et Onishi, trois dermatologues vétérinaires japonais.
               Les deux Akita présentaient une uvéite bilatérale associée à une dépigmentation de la face.
               Des cas impliquant des chiens de races différentes ont, depuis, été décris dans de nombreux autres autres pays.

 

Epidémiologie :
               1/ Facteurs génétiques et prédisposition raciale
               De même que chez l’homme, en médecine vétérinaire, il existe différents arguments en faveur d’une prédisposition héréditaire du syndrome uvéodermatologique.
               En effet, le syndrome uvéodermatologique est une maladie rare qui affecte, préférentiellement, les chiens de race japonaise et nordique : 80,5 % des cas décrits dans la littérature concernent des Akita Inu, mais aussi des Huskies de Sibérie, des Samoyèdes, des Malamutes de l’Alaska, des Basenjis et des Chow-Chow.
               Cependant, ce syndrome a été décrit chez un Berger Australien, un Berger Allemand, un Golden Retriever, un Shetland, un Setter Irlandais, un Saint-Bernard, un Teckel, un Fox terrier, un Fila Brasileiro et un Beagle.
               En 1987, Cottrell et al rapportent, pour la première fois en Angleterre, un cas de syndrome uvéodermatologique chez un Akita. A cette époque, cette race était encore très rare en Grande Bretagne, la majorité des animaux était donc importée. L’Akita malade était né en Angleterre mais était issu du croisement d’un frère et d’une soeur, provenant des Etats-Unis,où une prédisposition raciale avait déjà été mise en évidence.
Le faible patrimoine génétique et la consanguinité, présents, à l’époque, au Royaume-Uni, pourraient être responsables de l’expression de gènes récessifs, impliqués, dans l’émergence du syndrome uvéodermatologique.
                Angles et al, dans leur étude sur certains gènes DLA (dog leukocyte antigens) du complexe majeur d’histocompatibilité de type II, ont montré, pour la première fois, une augmentation significative de la présence de l’allèle DLA-DQA1*00201, chez des Akita américains atteints du syndrome uvéodermatologique, par rapport à un échantillon d’individus sains.

 

                2/ Influence du sexe et de l’âge
Le syndrome uvéodermatologique apparaît, le plus souvent, chez des chiens âgés de treize mois à treize ans. En fait, l’âge moyen d’apparition du syndrome uvéodermatologique est de 2,8 ans. Les jeunes adultes seraient donc plus souvent concernés, bien que, pour certains auteurs, l’âge ne serait pas un facteur prédisposant. Contrairement à l’homme il n’existe pas de prédisposition de sexe

 

Pathogénie :
                L’origine exacte est inconnue. Cependant, face à la grande similitude de cette affection avec le syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada de l’homme, un mécanisme auto-immun est suspecté.
               Différents éléments, cliniques et histologiques, sont en faveur d’un phénomène autoimmun,dirigé contre les mélanocytes ou certains de leurs constituants, comme la mélanine. En effet, la poliose (décoloration du poil), l’uvéite et la dépigmentation indiquent, indirectement, que la cible de cette maladie est le mélanocyte ou la mélanine. De même, à l’examen histopathologique, différentes lésions corroborent cette thèse, comme la présence d’une incontinence pigmentaire cutanée, associée à un infiltrat cellulaire mixte contenant des histiocytes et des lymphocytes ou encore la séquestration de mélanocytes uvéaux par un infiltrat de cellules inflammatoires.
               Carter et al dans leur étude immunohistochimique sur deux cas, ont trouvé que les lésions oculaires pouvaient refléter une inflammation granulomateuse, médiée par des lymphocytes T de type2 tandis que les lésions cutanées étaient consécutives à une réponse de type 1.                Néanmoins, l’étude d’un plus grand nombre de biopsies, prélevées sur d’autres cas, est indispensable.
               Dans la littérature vétérinaire, de nombreux articles relatent l’absence d’anticorps tissulaires.
               Murphy et al rapportent le cas d’un Akita souffrant d’une uvéite bilatérale et d’une dépigmentation cutanée. A l’aide d’un test ELISA utilisant une préparation standardisée de rétine bovine, les auteurs ont détecté, chez cet animal, des auto-anticorps circulants antirétine, dont le titre a suivi l’évolution de la maladie. Une relation entre les anticorps circulants et les signes cliniques de la maladie a donc été observée. Cependant, la nature de cette relation n’a pas été identifiée. De plus, dans un article plus ancien, des auto-anticorps anti-rétine ont été observés chez la majorité des animaux souffrant d’une maladie oculaire. Les autoanticorps anti-rétine présents durant le syndrome uvéodermatologique, pourraient être secondaire à l’uvéite, qui aurait causé le passage, vers la circulation sanguine, d’antigènes habituellement séquestrés par la barrière hémato-rétinienne.
               Chez l’homme, différentes observations expérimentales ont montré que des peptides, dérivés des protéines de la famille des tyrosinases, pouvaient être les cibles de la réaction inflammatoire auto-immune.
               Les lymphocytes, de personnes atteintes du syndrome de VKH, prolifèrent, de manière très importante, lorsqu’ils sont cultivés en présence de ces peptides. De même, l’immunisation, de rats pigmentés, par ces peptides entraîne des modifications, oculaires et extra-oculaires, identiques à celles retrouvées dans le syndrome de VKH.
               Suite à ces observations, Yamaki et al ont décidé d’extrapoler ces données au chien et ont suggéré que, si le syndrome uvéodermatologique était identique au syndrome de VKH de l’homme, on devrait pouvoir induire expérimentalement la maladie chez le chien. Ils ont alors immunisé deux Akita avec des peptides qui étaient représentatifs de la totalité de la protéine TRP1 humaine. Les deux Akita immunisés ont, alors, développé une maladie identique au syndrome uvéodermatologique naturel, tant au niveau clinique qu’histopathologique.
Le syndrome uvéodermatologique serait, donc, une maladie auto-immune, à médiation vraisemblablement cellulaire, dirigée contre les mélanocytes et certains de leurs antigènes comme TRP1.
               Actuellement le chien pourrait constituer un modèle animal d’étude du syndrome de VKH de l’homme.

 

Symptômes :
                Le syndrome uvéodermatologique, comme son nom l’indique est caractérisé par des symptômes et des lésions oculaires et cutanées. Les symptômes nerveux, classiquement décrits chez l’homme, sont rarement retrouvés chez le chien. Seules quelques publications relatent l’existence d’anomalies neurologiques concomitantes à un syndrome uvéodermatologique. Aucune altération de l’audition n’a été rapportée et n’a d’ailleurs jamais été recherchée.


               1/ Oculaires
               Les symptômes oculaires apparaissent, généralement, les premiers et sont comparables à ceux observés chez l’homme. Ils concernent l’uvée antérieure ou postérieure.
               En général, on observe une uvéite antérieure bilatérale se manifestant par des signes non spécifiques tels qu’une photophobie, un blépharospasme, une hyperhémie conjonctivale… et par des signes plus spécifiques tels qu’un : oedème cornéen, un effet Tyndall positif (fibrine et sang dans la chambre antérieure), un myosis ainsi qu’une congestion et un oedème de l’iris.
               Plus rarement, les signes oculaires se manifestent par une panuvéite bilatérale associée à une choriorétinite focale, ou par un décollement rétinien exsudatif bulleux ou total.
               Certains chiens peuvent, même, avoir des décollements rétiniens sans uvéite antérieure.
               Le fond d’oeil est souvent difficile à observer.
               Malgré ces signes, le test de Schirmer est normal.
               Une dépigmentation, progressive, de la rétine et de l’iris, peut apparaître, même si le traitement semble efficace.
               Les symptômes oculaires évoluent, fréquemment, par poussées inflammatoires avec aggravation progressive, d’où la nécessité d’examens ophtalmologiques fréquents chez les chiens malades.


               2/ Cutanés
               Les symptômes cutanés surviennent de quelques jours à plusieurs mois, voire plusieurs années, après les symptômes oculaires.
Les lésions cutanées peuvent être généralisées ou localisées à la face. Il s’agit d’une dépigmentation progressive, symétrique et bilatérale des jonctions cutanéo-muqueuses de la face, c'est-à-dire la truffe, les lèvres, les bordures palpébrales inférieures et supérieures et la région périoculaire.
               Le scrotum, le prépuce, la vulve, l’anus et la cavité buccale (gencives, palais dur) et les coussinets plantaires peuvent également être concernés. Une dépigmentation généralisée a été décrite dans quelques cas.
               Une poliose est souvent associée ; l’alopécie semble beaucoup moins fréquente que chez l’homme.
               Ces symptômes sont, en général, modérés et restreints à quelques zones dépigmentées, bien délimitées, et, parfois associés à un érythème et à un squamosis discret.
               Alors que, chez l’homme, les lésions cutanées restent stables, chez le chien il y a fréquemment apparition d’érosions et d’ulcères plus ou moins croûteux. Selon certains auteurs cette aggravation pourrait être liée à une exposition aux rayonnements solaires.
Les coussinets plantaires peuvent s’épaissir, se fissurer et s’ulcérer. Chez un chien, une onychomadèse a été rapportée.
               Les lésions cutanées ne sont pas ou peu prurigineuses.
               Bien qu’une lymphadénopathie soit fréquente, l’état général est rarement affecté.
               L’atteinte cutanée est de meilleur pronostic que l’atteinte oculaire. La seule gêne occasionnée est esthétique. De plus, les symptômes peuvent rétrocéder après traitement.


               3/ Nerveux
               L’existence d’anomalies neurologiques, lors de syndrome uvéodermatologique, n’est relatée que dans quelques articles. En général, l’examen neurologique, l’analyse du liquide céphalo-rachidien et l’examen post-mortem, sont normaux.
               En 1987, Cottrell et al rapportent un syndrome uvéodermatologique chez un Akita Inu qui, avant même l’apparition des lésions oculaires et cutanées, avait présenté une modification de comportement et une inclinaison marquée de la tête, sans anomalie visible à l’examen otoscopique. Malheureusement, l’autopsie n’a pas été autorisée.
               De même, en 2000, Denerolle et al, présente le cas d’un Husky de Sibérie atteint du syndrome uvéodermatologique, ne présentant aucun signe nerveux apparent mais dont l’examen histopathologique de l’encéphale et des méninges, prélevés après autopsie, étaient en faveur d’une méningite subaiguë. Les troubles nerveux avaient été suffisamment discrets et étaient, sans doute, passés inaperçus dans ce cas.
               Les troubles nerveux associés au syndrome uvéodermatologique sont donc rares voire absents.
               Trois hypothèses peuvent être envisagées :


                              1) Les méninges sont pauvres en mélanine chez le chien et ne seraient l’objet que d’une atteinte modérée avec des signes cliniques frustres ou absents.


                              2) Les méninges sont effectivement concernées par la maladie, mais la grande majorité des symptômes étant difficiles à diagnostiquer chez le chien, la phase nerveuse passerait inaperçue.


                              3) La phase méningo-encéphalitique de la maladie est, effectivement, absente chez le chien et les troubles nerveux, observés chez quelques cas, seraient le fruit du hasard et auraient été associés à tort à la maladie.


               4/ Complications
               Si une thérapeutique n’est pas rapidement instaurée des complications apparaissent.
               Les complications, chez le chien, sont semblables à celles retrouvées chez l’homme, à savoir : des synéchies, une mélanose de l’iris, une séclusion pupillaire, une cataracte, un glaucome secondaire avec buphtalmie, voire une cécité.
               Les lésions oculaires sont, donc, de mauvais pronostic et les rechutes fréquentes.

 

Pronostic :
               Le syndrome uvéodermatologique doit toujours être considéré comme une maladie grave. Si elle n’est pas traitée précocement et correctement, elle devient rapidement dramatique. De plus, même si elle est traitée et qu’elle semble s’améliorer (repigmentation cutanée), les lésions oculaires sont graves et irréversibles avec des rechutes fréquentes. Un équilibre entre traitement assez agressif et le contrôle des lésions doit être recherché durant toute la vie de l’animal.
               La fréquence des rechutes et la sévérité des complications oculaires, souvent irréversibles obligent une collaboration étroite entre le vétérinaire et le propriétaire de l’animal.
               Mais, une fois la cécité installée le traitement est illusoire.
               Les cas où l’atteinte oculaire est très grave et qu’aucune récupération du globe oculaire n’est possible malgré le traitement, l’euthanasie est souvent envisagée. L'énucléation est une autre alternative.

 

NOTE SUPPLÉMENTAIRE :
Expérience réalisée au Japon sur des Akita Inu : Site officiel
                Le but de cette étude était de déterminer si une maladie de type Vogt-Koyanagi-Harada (VKH) pouvait être déclenchée chez des Akita Inu en leur inoculant de la TRP1 (tyrosinase related protein 1), et de comparer les altérations apparues chez ces Akita Inu avec celles d'une maladie qui se déclarerait spontanément et qui ressemble au VKH humain. Deux Akita Inu ont été immunisés avec un mélange peptidique représentatifs de la TRP1 humaine. Nous avons noté des modifications au niveau des yeux et ceux-ci ont été suivis via biomicroscope à lampe à fente, ophtalmoscope et angiographie à la fluorescéine (AF). Les yeux, la peau et les cerveaux ont été analysés grâce à des méthodes histologiques standards environ 20 mois après la première injection chez le chien n°1 et 3 semaines après la seconde injection chez le chien n°2. Les deux sujets ont développé des maladies chorio-rétiniennes 3 à 4 semaines après la première injection. De nombreuses cellules inflammatoires ont infiltré la chambre antérieure et le vitré antérieur de l'œil. Le fond de l'œil nous a montré des décollements rétiniens exsudatifs géographiques et multifocaux. Des fuites multifocales de fluorescéine ont été détectées au niveau de la choroïde. D'un point de vue histologique, le décollement rétinien exsudatif était présent, et des cellules inflammatoires ont été aperçues dans l'espace subrétinien des yeux du chien 2 prélevés trois semaines après la seconde injection. La choroïde s'est épaissie à cause de cellules inflammatoires s'infiltrant dans certaines lésions. Des nodules de Dalen-Fuchs ont été aperçus dans les yeux du chien 2. Une dépigmentation, une dispersion des pigments et l'infiltration de nombreuses cellules inflammatoires autour des follicules et des vaisseaux pileux ont été notés sur la peau prélevée trois semaines post-injection. Le schéma et les modifications cliniques observés dans les yeux et la peau étaient très similaires à ceux des Akita Inu ayant déclaré le VKH de façon spontanée. Nous en avons conclu qu'une maladie de type VKH a pu être déclenchée chez ces deux chiens, et cela confirme l'hypothèse que la maladie chorio-rétinienne qui touche l'Akita Inu de façon spontanée est bien le VKH.

 

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Une étude sur l'Adénite Sébacée est actuellement en cours au CNRS. Rendez-vous sur cette page pour plus d'informations.